La ville REVERSIBLE : LESS IS MORE

La ville REVERSIBLE : LESS IS MORE
Retours sur le Fab City Summit 2018 – La Villette, Paris
 
Les 12 et 13 juillet 2018, le Fab City Summit s’invitait au parc de la Villette à Paris. Workshops, meetups, talks se sont déroulés autour des thématiques du digital, de l’open source, de l’économie circulaire, de la space ecology, de la bio inspiration… De nombreux makers, chercheurs et acteurs publics sont venus partager leurs travaux, réflexions et préoccupations dans une ambiance conviviale.
 
Bien que le constat soit là, nous continuons de nous enfoncer dans la spirale infernale de la consommation frénétique et déraisonnée des ressources. Et l’urbanisme et le bâtiment ont leur part de responsabilité dans ce tragique état de fait !
 
Alors, comment renverser dès aujourd’hui la tendance, mettre fin à ces procédés dit « traditionnels » de construction et initier de nouveaux modèles véritablement soutenables ?
 
Plus qu’un concept, fabriquer la ville réversible est une nécessité : elle laisse la possibilité aux générations futures de mener leur propre développement, sans leur imposer nos « progrès ».
 

Laisser place à l’imprévu

Pour un aménageur, faire le choix de la réversibilité c’est consentir à la remise en question des outils programmatiques traditionnels, revoir son processus de prise de décision, ne pas fixer les choses dans le temps… Bref, initier une démarche agile et itérative.
 
Les méthodes de travail « en mode agile » dans le numérique et le management foisonnent sur le web. Donc qu’est-ce qu’on en retient en tant qu’aménageur ?
 
Car ni vous, ni moi, ne souhaitons perdre de l’énergie (et de l’argent !) à revenir sans cesse sur des décisions préalablement prises, redessiner cent fois les plans du projet… Alors comment faire matcher agilité et action ?
 
  1. En tenant compte de l’existant irréversible : du bâti, des structures urbaines… ;

  2. En dessinant le moins possible : fixer la trame et laisser des espaces dédiés à l’imprévu ;

  3. En offrant la ville à voir autrement : en expérimentant, en se donnant la possibilité de revenir en arrière et d’envisager que certaines idées ne fonctionnent pas ;

  4. En acceptant une nouvelle temporalité de projet : laisser le temps à la concertation par l’usage, à la mobilisation citoyenne, à l’évolution des dynamiques locales.

On part donc de l’irréversible pour en faire découler le projet urbain, innover et nourrir la programmation pour enfin accueillir et hybrider les nouveaux usages.
 
Comme on l’a vu au travers de l’article de Camille Bertin L’économie de la fonctionnalité face au fléau de l’inoccupation dans les espaces urbains, les nouveaux usages trouvent bien plus facilement leur place dans les espaces en veille, dépossédés de leurs fonctions premières, dans l’attente d’une seconde vie : les friches urbaines, industrielles, dents creuses, mais aussi espaces publics…
 
"L’imprévu c’est à la fois « un espace d’expérience et un horizon d’attente"... Concepts de Reinhart Koselleck (historien) et Paul Ricoeur (philosophe) repris par Franck Scherrer à l'occasion du colloque Villes, territoires, réversibliité (2010)

A forte valeur ajoutée !

C’est ce que nous apprennent les retours d’expérience de la première édition d’Inventons la Métropole du Grand Paris. Comme nous l’explique Michelèle Raunet à l’occasion d’une conférence de Sciences Po Urba sur les l’AMI IMGP 1, les équipes ayant intégré des espaces d’incertitude à la programmation ont réussi à séduire les jurys. Ils prennent le temps de la préfiguration et adopteront une programmation « définitive » bien après la livraison des premières opérations. Et l’échelle du projet urbain permet ce type d’action !
 
Un autre exemple : celui de Leipzig en Allemagne – ou comment une ville entière de l’ex-RDA s’est relevée de plus de 20 ans de décroissance ? Là encore, les artistes et artisans sont au cœur de la revitalisation de la ville. Ils ont dégagé les usines à l’abandon de leurs gangues pour y installer leurs ateliers, laisser entrevoir des modes de vie alternatifs (et résilients !) et la possibilité de construire des communs.
Aujourd’hui Leipzig est victime de son succès, considérée comme le « nouveau Berlin » elle subit la gentrification de plein fouet – pour le meilleur comme pour le pire !
 

Agir, se surprendre, réfléchir et décider collectivement

Qu’apprenons-nous de ces expérimentations d’urbanisme temporaire ? Elles nous aident à entrevoir l’avenir, mettre un pied dans le lendemain tout en restant souples, malléables, flexibles, réversibles. 

L’éphémère créé du sens, de la signification et même des symboles.

Plus largement, la notion de réversibilité est un moyen de répondre sur le long terme aux enjeux de la résilience urbaine. En prévoyant dès aujourd’hui la réversibilité du bâti et de la planification urbaine, on lutte contre l’obsolescence du parc immobilier. Ce n’est plus tant la vétusté qui menace le parc, mais plutôt l’obsolescence liée à l’évolution de l’offre, de la demande et des innovations : la destruction créatrice.

 

Pour aller plus loin :
Villes, territoires, réversiblité : pas à paspar Lise SERRA. Paris. Hermann nt
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Auteur de la page

Noémie Colleu

Consultante aménagement urbain et économie circulaire

Modérateur

VincentJ CIRIDD

Chef de projets - CIRIDD