Évolutions et portée du geste de tri sur le recyclage des déchets ménagers

La démarche "Osez changer" de l’ADEME a accompagné 21 foyers témoins pour répertorier, trier et désencombrer leur logement. À l’issue de l’opération de 7 mois, les ménages ont constaté qu’ils possédaient bien plus d’objets qu’ils ne l’imaginaient. Ils se sont finalement séparés en moyenne de 31 % de leurs objets toutes catégories confondues et de 37 % de leurs textiles (vêtements et chaussures). Deux tonnes d’appareils électriques et électroniques ont été données, vendues ou dirigées dans les filières de recyclage. 

Si ce programme s’intéresse aux mécanismes de prise de conscience des objets inutiles accumulés, il illustre aussi le rôle central des ménages dans le tri et la prévention des déchets. Que ce soit vider ses placards d’objets inutilisés ou orienter lesdits objets vers la bonne filière de réemploi, la lutte contre le gaspillage s’accompagne toujours d’un geste de tri. 

Dans le domaine des déchets ménagers, une question revient souvent : est-ce vraiment nécessaire de trier ? Il est souvent difficile de se rendre compte des répercussions que peut avoir le geste de tri (ou son absence), surtout quand des idées reçues continuent de circuler.  

Dans cet article, nous verrons où en est le recyclage en France et quels peuvent être des leviers de changement de comportement. 

 

Les déchets ménagers et assimilés : éléments de définition 

D'après l'Ademe, les déchets ménagers et assimilés (ou DMA) désignent l’ensemble des déchets issus des ménages et des déchets des activités économiques pouvant être collectés avec ceux des ménages. Parmi eux, deux grandes catégories : les déchets occasionnels (déchets verts, encombrants...) et les ordures ménagères (ordures ménagères résiduelles et collectes séparées des emballages, des verres, etc.). 

Les DMA ne comprennent pas les déchets produits par les services municipaux, soit les déchets de l’assainissement collectif, du nettoyage des rues, des marchés, etc. Cela exclue également les déchets aux sujétions techniques particulières (article L 2224-14 du code général des collectivités territoriales) ainsi que les déchets d’activités économiques non pris en charge par le service public. 

Les DMA représentent 580 kg sur les 4,9 tonnes de déchets produits en moyenne par an et par habitant, en France (chiffres de 2017). 

 

Évolution des ratios de collecte des DMA en Île-de-France depuis les années 2000.

Source : ORDIF, 2021 (données de 2019).

 

Le recyclage des DMA 

Chiffres-clés 

Alors que le ratio DMA/habitant avait baissé au cours des années 2000, une nouvelle hausse est observée depuis 2017. Les DMA collectés sont répartis de la manière suivant (chiffres de 2019) : 

  • 56,8 % vont vers des Unités d’incinération de déchets non dangereux (UIDND)  
  • 23,5 % vers des centres de tri et repreneurs directs  
  • 6,6 % vers des installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND)  

La part de recyclage réelle est faible : en 2019 et d’après l’ORDIF, le taux de recyclage des déchets recyclables en Île-de-France se situait entre 21 et 22 %, et les trois quarts des déchets recyclables étaient enfouis. Nous sommes encore bien loin de l’objectif européen de 60 % de recyclage en 2035. 

 

Zoom sur les emballages en plastique 

Les emballages en plastique représentent 2,2 millions de tonnes mis sur le marché chaque année en France. Leur réemploi est peu développé et leur taux de recyclage est faible (27 % en moyenne). Un des 5 axes de la loi AGEC (2020) vise à arrêter la mise sur le marché d’emballages en plastiques à usage unique à l’horizon 2040. 

À partir de 2019, la modernisation des centres de tri (notamment le tri optique, permettant de différencier les matières plastiques entre elles) a permis aux ménages de mettre tous leurs emballages dans la poubelle de tri. L'objectif fixé par les pouvoirs publics était de doubler le taux de recyclage des déchets plastique sur le territoire en 2022, date à laquelle l’ensemble du territoire serait couvert par la simplification des consignes. 

Citeo, l’éco-organisme dédié aux emballages ménagers et aux papiers, dresse un premier bilan en 2021 : les filières prioritaires (le PET et le PEHD, des types de plastique) ont pu se pérenniser et augmenter leur taux de recyclage. Ainsi, fin 2019, 61 % des bouteilles et flacons en plastique étaient triés et recyclés. En revanche, les autres filières de recyclage n’ont pas pu se développer au même rythme et ont maintenant un retard à rattraper. Les pots de yaourt, par exemple, comptent parmi les emballages les moins recyclés : toujours en 2019, seulement 3 % des pots de yaourt étaient recyclés

Le bilan reste globalement positif puisque l'opération permet déjà de recycler 3 kg supplémentaires par an et par habitant, signe que la simplification du geste de tri permet d’augmenter sa fréquence. 

 

Effets de la tarification incitative pour les entreprises 

Depuis 2009, la tarification incitative (TI) peut être appliquée par les collectivités. Cette redevance permet d’appliquer le principe de pollueur-payeur et a pour objectif d’encourager les entreprises à réduire leurs déchets. L’application de cette tarification et son montant sont définis par les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale. Aujourd’hui, plus de 200 communes sont concernées. 

Les chiffres publiés par l’Ademe révèlent que la tarification incitative a plutôt l’effet escompté : en moyenne, la quantité d’ordures ménagères est réduite de 41 %, et la collecte des emballages et papiers augmente de 30 %. 

 

Évolutions et portée des comportements individuels 

L’Observatoire du Geste de Tri des Français renseigne les évolutions des habitudes de tri depuis 2013. D’après son dernier sondage, 1 Français sur 2 trie systématiquement ses emballages (une proportion en légère augmentation) et 89 % de la population trie régulièrement. 

Au niveau des foyers, quelques freins subsistent et limitent le geste de tri. Parmi eux, nous pouvons citer l’idée reçue selon laquelle “il ne sert à rien de trier car lors de la collecte, tous les déchets se retrouvent dans la même poubelle”. Ce cliché a la peau dure, alors qu’il n’est plus valable. Les bennes collectent bien séparément, comme le précise la Ville de Paris : "Celles qui transportent les ordures ménagères du bac vert vident les déchets dans les centres d’incinération et celles chargées des collectes sélectives vont en centres de tri pour les emballages, le papier et le carton du bac jaune, et vers des plateformes de stockage pour le verre du bac blanc. Le verre est ensuite transporté vers les usines de recyclage de VERRALIA."

Une autre idée reçue consiste à croire que les déchets salis ne peuvent pas être recyclés. Selon l’Observatoire de tri des déchets, la salissure des déchets est la première raison évoquée par les Français qui ne trient pas systématiquement. Or, grâce au processus de recyclage, il n’est pas nécessaire de laver les déchets avant de les trier. 

Enfin, d’autres freins relèvent du domaine pratique. Il est notamment constaté que les catégories les moins trieuses sont les habitants des grandes villes et qui possèdent de petits logements, faute de place pour organiser toutes les poubelles de tri nécessaires. 

 

Pourcentage de trieurs systématiques selon la taille du logement, en France.

Source : étude Eco-emballages et Ipsos, 2014.

 

Le tri des biodéchets : un levier possible

Aujourd’hui, le gaspillage alimentaire dans les foyers représente en moyenne 30 kg par an et par habitant, auxquels s’ajoutent les pertes et gaspillages de la restauration collective et commerciale. Cela représente 11 % des OMR (ordures ménagères résiduelles).  

La France s’est engagée à réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici 2025, principalement à travers les collectivités territoriales et les établissements privés et publics. En effet, l’article 88 de la loi AGEC obligera toutes les personnes qui produisent ou possèdent plus de 5 tonnes de biodéchets par an à trier leurs biodéchets, à compter du 1er janvier 2023 (article L 541-21-1 du code de l’environnement). Actuellement, seuls les producteurs de plus de 10 tonnes de biodéchets par an sont assujettis à cette obligation. 

Du côté des ménages, les expérimentations se multiplient sur le territoire pour réduire la production des biodéchets et améliorer leur collecte. La lutte contre le gaspillage alimentaire et le recyclage des déchets est d’ailleurs un axe du Plan alimentation durable métropolitain de la Métropole du Grand Paris.

 

En conclusion 

Bien qu’une minorité seulement des déchets recyclables soit effectivement recyclée, ce chiffre augmente légèrement depuis ces dernières années. Les pouvoirs publics et l’industrie ont de plus en plus conscience des freins existants, comme le montre l’évolution des réglementations dans ce domaine. L’amélioration des technologies de tri et l’évolution des comportements individuels sont deux leviers qui doivent s’activer en parallèle.  

La simplification des consignes de tri a un impact direct sur le recyclage des déchets grâce à la systématisation du geste de tri. Plus les déchets seront triés, plus les quantités de matières à disposition des recycleurs sera grande.  

Enfin, même si les technologies de recyclage s’améliorent, elles restent consommatrices d’énergie et dégradent la matière, qui n’est pas réutilisable à l’infini. La priorité est donc la réduction de la production des déchets et l’augmentation des taux de réemploi. 

 

Pour aller plus loin

 

Réglementations/prescriptions à venir, dans les États et dans l’UE  

  • Obligation pour tous les états membres de publier un rapport national sur l’avancée de la généralisation du tri à la source des biodéchets au plus tard le 31 décembre 2021 (article 10 de la direction européenne issue du paquet économie circulaire de l’UE)   
  • À l'échelle française : application de la loi AGEC (2020) et de la loi Climat et Résilience (2021) 

 

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